Organisé ce mois-ci par Jobougon, le concours de l’agenda ironique propose ce mois-ci d’écrire un conte ou une parodie de conte. Ma petite fée bleue m’a soufflé ceci à l’oreille ! Bonne lecture.
Une petite pluie nocturne avait adouci ce dernier jour d’un juillet de feu, qui l’avait laissée exsangue et déshydratée, suffocante, les longues après-midi dans la pénombre des volets mi-clos, guettant sans trop y croire quelques goulées d’air plus frais tard dans les soirées bruyantes de la petite ville touristique où elle avait échoué.
Dans la soirée une odeur de goudron mouillé avait attiré son attention et elle était sortie sur le pas de la porte. « Enfin, s’était-elle dit, l’été est fini ou presque » D’habitude les premières pluies ouvraient la voie aux nuits paisibles et fraîches à partir du 15 Août, mais l’été avait démarré très précocement début juin et deux mois de grande chaleur suffisaient amplement.
La nuit suivante avait été revigorante. Toute la bourgade épuisée avait dormi d’une seule traite au son léger des gouttelettes de cette averse imprévue et dans la température qui avait baissé d’une bonne dizaine de degrés au thermomètre, le réveil avait été délicieux et même un peu frileux, acceptant sur les épaules le drap de lin, rejeté inutile au pied du lit depuis le début de la saison.
Elle profita de la matinée douce et grise pour se remettre à sa table de travail en souffrance depuis trop longtemps déjà.
Sa plume avait séché, sa gomme était grumeleuse, et le papier avait perdu cette onctuosité qui circulait si librement sous le glissement de l’encre de gauche à droite. Mais cela reviendrait vite, elle en était certaine, connaissant ses instruments par un cœur qu’elle avait tendre et franchement imaginatif.
Elle frotta longuement sa plume en long trait sur la feuille, secoua brusquement la réserve qui se vidangea d’une grosse goutte aplatie en forme de couronne au centre de la feuille. Sous ses yeux incrédules, la goutte rebondit, se reforma, s’étira lentement en irréelle et filiforme silhouette d’un bleu azuréen à la longue chevelure et aux doigts fins qui s’agitèrent brusquement :
-« Oh, la, la, c’est pas trop tôt ! » dit l’étrange créature en ébrouant encore un peu d’encre sur la page alentour.
-« Ce n’est pas trop tôt quoi ? »
-« Ce n’est pas trop tôt que tu te décides »
Interloquée pour le moins par cette apparition et se méfiant un peu des inventions souvent peu orthodoxes de son imagination elle demanda abruptement :
-« Qui es-tu »
-« Moi ? Je suis la fée ! »
–« La fée !???! »
Vous pouvez bien mettre en lisant l’intonation que vous voulez au dialogue précédent, vous pouvez y ajouter le brin de stupéfaction retranscrite par la quasi écholalie dont fait preuve la narratrice !
-« Ben oui, la fée de l’encre ! D’ailleurs, j’ai bien failli ne pas apparaitre avec cette chaleur, j’étais quasiment desséchée, d’ailleurs, si tu peux me voir là, c’est bien que je suis très concentrée ! »
-« Concentrée sur quoi ? »
-« Concentrée sur quoi ? J’hallucine ! Concentrée, concentrée, comme la sauce tomate, l’évaporation, tu comprends, concentrée, d’habitude, je suis plus éthérée, délayée, je me dilue, je m’étale mais là pressée par l’urgence je suis bien obligée d’apparaître pour exaucer tes souhaits »
-« Exaucer mes souhaits ? »
L’écholalie encore…eut l’air d’énerver un peu la fée,-« Oh ! Fais un effort, quoi ! Exaucer tes souhaits ! N’est-ce pas pour cela que tu te sers de moi, faire que le monde soit conforme à tes désirs, réaliser tes rêves inachevés, créer un univers qui te ressemble ? Tu as droit à trois souhaits par cartouche, mais dépêche-toi j’en suis presque à la fin de ma vie, tu as peu de temps cette fois-ci il te faut savoir…
Rapidement elle réfléchit, trois souhaits, vite, à brûle pourpoint que souhaitait-elle en fait ? Un bébé se mit à brailler chez les voisins, dérangeant le cours de ses pensées et elle dit :
-« Oh, que au moins je puisse avoir un peu de silence ! »
Et instantanément tout se tut ! Le bébé s’arrêta de brailler, les voisins de téléphoner de leur balcon, la télé du rez de chaussée se figea sur le rire de Naggy entrain de raconter une plaisanterie, et la fête foraine sur la place, elle-même resta en suspens, les nacelles stoppées net en l’air avec dedans des gens la bouche grande ouverte sur des gorges muettes. Enfin ! un peu de calme.
-« Trois vœux, trois vœux, vite réfléchissons ! »
-« Non, plus que deux, répondit la fée en minaudant, ce que tu viens de formuler était déjà un souhait »
-« Va..» et puis elle ferma la bouche en se rendant compte du pouvoir de ses mots.
-« Ah, ça y est, je sais, je souhaite, être un auteur connu ! »
Et paf, là sur la table apparurent quelques beaux volumes estampillés de son nom, avec des volutes dorées et tout et tout, même un joli petit volume album de la pléiade, et pif, là sur le mur de son bureau apparut une énorme bibliothèque en merisier remplie de gros livres reliés en cuir avec ce même nom dorés sur tranche !
-«Et de deux souhaits »
Bof ! Quoi ensuite ? Une espèce de nuage gris embruma son esprit.
Pas drôle de voir sa bibliothèque soudainement emplie de ses œuvres achevées. Et ce gros meuble…
Elle alla se servir un verre d’eau, prudemment, sans dire mot, se pencha à la fenêtre sur le quartier désormais muet. Même ces *# ;@*µ de tourterelles, s’étaient tues, appesantissant le silence. Allons bon, elle en avait lu des histoires et des contes à dormir debout, elle savait bien comment cela finirait. Et vous aussi d’ailleurs lecteurs, qui n’êtes pas nés de la dernière lapinée, je me doute que vous me voyez venir de loin !
-« Allez, zou, que tout redevienne comme avant »
La fée bleue ouvrit grand la bouche mais n’eut pas l’air très étonnée, elle fit un geste vague et las et les oiseaux se remirent à chanter, les bébés à brailler, les voisins à s’engueuler, Naggy finit sa blague dont on n’avait pas entendu le milieu, la bibliothèque imposante et énorme disparut, le joli petit album de la Pléiade aussi, hélas.
-« Tout ce boulot pour ça » ! dit la fée avec un air un peu écœuré.
-« Et oui, que veux-tu, ce qui me plaît à moi, c’est de courir après ma plume en train de glisser sur la papier, de me bagarrer pour trouver quelques heures de libre pour condenser ma pensée, ce qui me plait c’est de créer et non d’avoir créé ».
La fée hocha la tête d’un air entendu.
-« Je comprends » dit-elle
Puis avant de s’évaporer définitivement elle se retourna et me jeta un regard malicieux,
-« Quand même ! tu n’as pas eu le temps de voir ce qu’il y avait sur ton compte en banque ! »
Et si l’un ou deux d’entre vous préfèrent une fin hyper romantique, ils peuvent toujours choisir l’option deux.
Elle eut juste le temps de formuler son troisième souhait inconsidéré, que l’apparition fluette disparut en un éclair bleuté abandonnant sur la page quelques paillettes brillantes.
Vite, vite, elle prit une recharge, l’introduisit dans son stylo-plume et se remit à écrire à toute vitesse espérant à chaque fois voir réapparaître la fée. Elle savait bien, cette fois-ci, ce qu’elle lui demanderait.
Fin
Et voilà pour ce mois-ci, j’espère que nous serons nombreux à participer, vous pouvez lire les textes des autres participants, ici !
Bonne fin de vacances
[…] modestie de remporter la victoire (peut-on gagner à un vrai faux concours ?) le mois dernier avec ma fée bleue, je ne participe qu’à titre amical et laisserai volontiers les titres, honneurs et […]
[…] ça, il va falloir que tu rentres chez toi. Tu ne crois tout d’même pas que tu vas jouer la fée Gnasse encore longtemps ? – Mesurez vos paroles, Selmaud, cette fée là, c’est une amie ! […]
C’est une charmante histoire et si raisonnable à la fin…
En ce qui me concerne, je ne verrai jamais la fée bleue, je n’utilise pas de stylos à plume, donc pas de cartouches d’encre…
Au fait, je me présente : une lectrice presque pas auteure mais beaucoup jardinière.Ce n’est pas grave, n’est-ce pas?
Bonne soirée,
Mo
Oh, non ce n’est pas grave, j’aimais beaucoup le jardinage, mais je n’ai plus de jardin, tu seras ma jardinière imaginaire préférée !
Trois vœux par cartouche si ce n’est pas de la prodigalité ça (je viens d’acheter un pack de 50 chouette !). Manifestement le clavier est à manipuler avec précaution, c’est vrai que parfois une mauvais combinaison de touches peut causer des problèmes. Je comprends également mieux pourquoi Blanche-Neige est si pâle. Introduire tous les liens de textes dans ton conte fallait le faire, tu dors quand ? Une chose est sûre tous tes délires étaient charmants.
J’ai regroupé ! Je dors par bouquet, c’est à dire maintenant !
Je me suis laissée emmenée par l’histoire. très poétique, aussi légère et tendre que les aquarelles qui l’accompagnent.
Hi ce ne sont pas des aquarelles ce sont des tirages de photos ratées, mais c’est vrai que j’ai trouvé ça très réussi, dans son genre.
incroyable!! bravo pour le ratage, l’effet est bluffant
Je peux te donner le truc, tu imprimes tes photos sur le mauvais côté du papier photo et tu les laisses en tas quelques heures…;-))
[…] – 5 : Monesille nous a concocté une petite poèmenade sur papier vélin à dos de fée bleue, une petite merveille onomatopique avec des #, des @, des ù hautement qualifiés sur le mur de Samson. Voici le lien : La fée bleue https://monesille.wordpress.com/2015/08/01/agenda-ironique-du-mois-daout-la-fee-bleue/comment-page-1… […]
[…] les précédents épisodes voir: la fée bleue ici, la bagarre de la fée bleue,ici, et un rayon de soleil plus […]
[…] – la fée bleue début de la fin là […]
[…] dormant de se prendre une claque à « Qui veut épouser mon chérubin »? pour réaliser trois souhaits tous plus fous les uns que les autres ? pour sortir les trois petits cochons des griffes du […]
Elle va attaquer aux prud’hommes la fée bleue pour ce gâchage de souhaits !
Bisesss Monesille 🙂
Comme d’habitude lorsque je m’égare dans vos lectures, cela coule de source, comme l’eau qui en ce moment tombe et laisse des grosses gouttes d’eau et non d’encre de la fée bleue sur la vitre de la fenêtre.
Un bien joli conte qui finit pour moi avec un petit serrement au coeur. C’est écrit avec tellement de ……..hum…….
féérie 🙂
J’ai succombé au texte. Merci Monesille 🙂 Je n’ai pas lu ton autre texte.
D’après ce que j’ai pu comprendre ? M’en vais fouiller sur ton blog, pour lire, si l’encre n’est pas devenue sympathique 🙂
Vive les fées bleues 🙂
Oui, il pleut à verse ici aussi et la température a chut de 10 degré, c’est surprenant, mais ouf doivent dire les pompiers.
Espérons que les orages ne diluent pas les fées !
Bises
[…] Pour ceusses qui n’étaient pas là, vous pouvez lire le début de la fin par ici ! […]
Vite un autre concours pour écouter les mots et se laisser surprendre par l’imaginaire des fées bleues, vertes, rouges, peu importe la couleur pourvu qu’on ait l’ivre liesse…
Oh, c’est chic, en lisant les autres textes j’avais l’impression de ne pas être trop dans le ton mais bon ça à l’air de faire camaïeu !
Joli conte que j’ai lu avant de me coucher, je crois que je vais faire de beaux rêves. Si je croise la fée bleue, je serais bien en peine de choisir parmi tous les voeux qui me viennent à l’esprit.
Bisous
Odile
Exactement, comment choisir…tu me souffles une idée.
Bises
Deux fins? Tu as hésité ou ces options sont demandées dans l’atelier ?
Bref, je l’aime bien cette fée de l’encre!
Comme Carnetsparesseux, la fin de l’été caniculaire est superbe!
Bises
Ce n’est pas demandé dans l’atelier mais cela ne me plaisait pas de finir sur une pirouette mercantile.
Bises::-):
Un silence qui fait grand bruit, une romancière qui joue de poésie, une fée qui vous chamboulerait tout Andersen… j’adore, très fin, très délicat, tout simplement fluide comme l’a si bien dit Jo !
… Ohhh !!! Combien de fées ai-je dû écraser en plantant la patte dans l’encrier !!!!!!!!
Les fées sont beaucoup plus coriaces qu’elles n’en ont l’air, t’inquiète de tes coussinets !
Fais et ris !-)
[…] Monesille nous a concocté une petite poèmenade sur papier vélin à dos de fée bleue, une petite merveille onomatopique avec des #, des @, des ù hautement qualifiés sur le mur de Samson. Voici le lien : La fée bleue https://monesille.wordpress.com/2015/08/01/agenda-ironique-du-mois-daout-la-fee-bleue/comment-page-1… […]
Whouah ! Décidément, cette petite fée bleue ne manque pas de fluidité. J’adore. C’est surprenant d’originalité, et plein de #@% sonores et tendres qui font du bien à entendre. Génial, je rajoute ton lien dans l’article.
Il y a sans aucun doute une fée pour les pattes aussi mais attention à ne pas la prendre pour une souris !
Joli ! belle description de la fin de la canicule (décidément, on est plusieurs à l’avoir senti passé)… et j’aime beaucoup cette encre-fée (je me suis laissé surprendre par la fin…(comme quoi on a beau savoir…).
bon, je file vider mes bouteilles d’encre de chine et mes cartouches de stylo 🙂
Encore un qui ne travaille pas au clavier je vois ! Le mien, ce soi sdes siennes et supprime de son propre chef la moitié des lettres, je vais le laisser dormir un peu. ::-):