Sondage

Petits carrés, bien alignés,
Une case, un cas. Je coche ou ne coche pas
Circonstanciel, directionnel, représentatif,
Représentation, telle est la question.
Des à  peu près, pas fait exprès, des pas du tout
Pour tous les goûts, hashtag je m’en fous.
Une case, un cas, je coche ou ne coche pas.

Echantillon ou collection, alternatif ou collectif
Demi-portion, ou trublion, quel est le bon
Quel est le faux, j’ai  un mot de trop,
C’est pas fini, définitif, limite limité,
Rien à jauger, rien à juger, rien d’adjugé.

Une case, un cas, je coche ou ne coche pas
Pas tout à fait ça,  je n’appartiens pas
Ce n’est pas facile d’avoir un style
Effiloché, en dent de lait tout mordillé
Comme un crayon, pas un rayon
Pas bien rangé, pas bien dressé
Des enthousiasmes sans fantasme
Des réactions  catégoriques.

Pas les options,

Juste un soupir. Faut un sourire.

Une case, un choix, je n’appartiens toujours pas.

Vent de janvier

Vent de janvier gémissant en tourmente

Toute la nuit glissant le long des pentes

Sur  les vallons de glaçons clairs sonnants

En ces déserts de grand silence blanc

Forçant ta voix d’octaves rugissantes

 

Aux pins givrés d’étoiles scintillantes

Tu parsemais ta neige indifférente

En bleuissant nos doigts gourds grelottant,

Vent de janvier

 

En nos sentiers de files pénitentes

Epoumonés de bouffées tournoyantes

Tenant fermé nos capuchons flottants

En rang serrés comme des revenants

Tu blanchissais nos traces chancelantes

Vent de janvier !

Octobre

C’était un soir d’octobre finissant

Où les regards se traînent languissants

Au fond des brumes sous les porches d’église

Sur les pavés en reflet de nue grise

 

Et s’ébrouait sous la porte cochère

Restée ouverte au jour crépusculaire

Un chien errant filant doux sous la pluie

Ourlé de perle au rebord de l’ennui

 

L’escalier morne s’enroulait à l’étage

Au pied de l’ombre à l’odeur de ménage

Absorbant l’eau et mes regards perdus

Au soupirail qui ne s’éclairait plus

 

Sur le palier toutes portes ouvertes

Comme effarée, l’entrée était déserte

Quelques papiers gisaient au vieux lino

Abandonné avec de vieux journaux

 

Le chat assis avait un air inerte

Les yeux fermés devant ma main experte

Et moi n’osant dire la vérité

Je murmurais : « elle a déménagé »

Fit for the bin

Ces gens que l’on oublie sur le bord des chemins

Qui vous ont amusé pour un temps pour un rien

Dont on s’est occupé car ils le valaient bien

Mais la vie continue et l’on n’est pas des chiens.

 

Car s’ils l’avaient voulu, vraiment ils auraient pu

Faire un petit effort, se bouger un peu plus

Comment auraient-ils fait si nous n’étions venus ?

Nous avons déjà fait bien plus que notre dû.

 

 

Et l’on compte ses pas comme on fait un devoir

Ecoutant les conseils, évitant les miroirs

Si notre cœur est chaud, froid est notre savoir

Additionnant les faits, soustrayant notre espoir.

 

Et l’on ferme sa porte et l’on essuie un pleur,

Que le diable l’emporte moi aussi j’ai mes peurs,

On referme sa main en écrasant son cœur

Qui battait tant et plein en croyant au bonheur.

 

Et l’on part déchiré de ronce et de chagrin

L’armure décimée mais on n’en dira rien

Blessant de notre orgueil de bon samaritain

Ces gens que l’on oublie sur le bord du chemin.

 

Palimpseste

Ce sont d’abord des heures

Qui lentement effleurent

Le bord d’un panier plein

De gazouillis d’entrain

 

Et puis ce sont des jours

En résille d’amour

Enserrés de l’éclat

Des diamants quelquefois

 

Puis passent les semaines

Au galop dans les plaines

En rubans dénoués

De parfums grappillés

 

Quand arrivent les mois

Sempiternel émoi

Le vivace tenace

Pare de la grâce

 

Puis les saisons s’imposent

En plus ou moins moroses

Rebellions de chiffon

Pour leurrer l’addition

 

Lorsque les années viennent

On les prétend sereines

Dansantes à ces printemps

Fanés depuis longtemps

 

Et les années se passent

Et nous laissent si lasses

Que le beau temps revient

Et que l’on n’en sait rien.

 

Mais les années se traînent

De défaite en déveine

Et si toutes s’effacent

Chaque laisse sa trace .

 

 

 

Quand même

Quand même

 

Quand même on peut penser ce soir triste où l’on pleure

Que ces carreaux fondus en rond sur le papier

N’auront été aussi qu’un pitoyable leurre

Aux essais débordant nos craintes d’étouffer.

 

Quand même on peut penser que ces ongles qui crissent

Au tableau verdissant de classes désertées

De  pentes éboulées, s’écroulant vers l’abysse

N’ont qu’à se retenir d’une abscisse e à la craie.

 

Quand même on peut penser que ce lac en silence

D’une paupière ouverte aux nuages passés

Ne tiendra pas plus d’eau que ce désert d’enfance

S’écoulant par le biais d’un stylo mordillé.

 

Quand bien même on voudrait, on pourrait se permettre

Un zeste d’attitude, une valse essayée

Mais la robe est trop longue et ne nous fait connaitre

Que tangos engoncés aux marnes des marais.

 

Quand même on essaiera, on jouera la prestance

On collera le masque aux sangsues d’illusions

On gravera aux joues ce sourire en instance

Grésillé au tournis d’un vieux microsillon.

 

Quand même on persévère. Aux métaux de nos forges

On les prend nos sirops contre vents et marées

On les mouche ces nez, on les gratte ces gorges

Mais nos mots quelque part restent bien enroués.

 

Quand même on peut se dire que cette fois peut-être

On aura tout jeté, tout offert, tout tenté

Que quelque part, quelqu’un, on ne peut tout connaître…

 

Mais ce sera trop tard et l’air aura manqué.

 

monesille

Et je traîne

Je perds mon temps, je le sais bien.

Je perds mon temps. Ca ne fait rien.

Et je traîne.

Mais est que je ne mourrai pas quand même ?

Quand il vous faut à cent à l’heure

Des leurres après lesquels courir

Collant aux dents des souvenirs

Des Tagada de plénitude

Agrémentant vos  solitudes

Où la vie pleure goutte à goutte

Ne remplit pas toute la soute

Bouche ouverte sur si peu d’air

Pour ne plus rien avoir à faire.

Si ! Se taire.

Je perds mon temps, je le sais bien

Je perds mon temps, ça ne fait rien !

Et je traîne.

Mais est ce que je ne mourrai pas quand même ?

Quand l’impression que peu après

Peut-être tout va basculer

Et que je touche la tangente

Du savon noir qu’est cette pente

Même le sable échappé

Du sablier dégoupillé

Ne peux enrayer la glissade

Que devient cette mascarade.

Quand il ne reste plus à faire

Qu’un doigt levé libre de fer.

Non ! Se taire !

Je perds mon temps, je le sais bien

Je perds mon temps, ça ne fait rien.

Et je traîne.

Mais est ce que je ne mourrai pas quand même ?

Quand la mémoire qui monte effleure

Des laminaires de chaque heure

Le pont tenu par une main

Au-dessus du vide incertain

Où le temps reste suspendu

Si le train siffle et qu’il prévienne.

Tôt où tard cette main tendue

Lâchera bien. C’était prévu.

Est-ce qu’on ne mourra pas  tous quand même ?

Et je traîne.