Ce post est écrit en participation au vrai faux concours de l’agenda ironique de septembre qu’Anne de Louvain la neuve a la courage d’organiser ce mois-ci ! Et comme j’ai eu la modestie de remporter la victoire (peut-on gagner à un vrai faux concours ?) le mois dernier avec ma fée bleue, je ne participe qu’à titre amical et laisserai volontiers les titres, honneurs et médailles en chocolats à ceux qui n’en ont pas encore eu d’indigestion.
Anne nous proposait deux photos montages pour soutenir nos imaginations, le premier m’a rappelé beaucoup de souvenirs !
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Je n’ai pas eu à chercher bien loin, ma vie est un roman de toute manière !
[« Longtemps, je me suis couchée de bonne heure. Parfois à peine la lumière éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je
n’avais pas le temps de me dire : « je m’endors »]*.
Le matin me trouvait fraîche et dispose, prête à aller courir dans les extérieurs en repérage sur le bord de la rivière même si nous n’avions pas l’autorisation de nous y baigner le matin.
Après la sieste, obligatoire, qui couvrait les trois heures de digestion incontournables, à peine mère descendait l’escalier d’un air encore fatigué que nous courrions vers elle comme autant de sangsues assoiffées : « Où as-tu mis mon maillot, je ne trouve pas ma serviette, qu’apporte-t-on pour le goûter ? » Lorsqu’elle avait ainsi réglé l’intendance de main de maître, nous partions en ordre de bataille, racolant au passage les enfants du voisinage de nos bruyantes chamailleries. « Lâche-moi un peu, fais-moi une place, avance un peu, ne me marche pas sur les talons, c’est ton tour de porter le sac, il est trop lourd ! »

Car nous partions chargés, de rêves d’aventures, et d’attirails divers, palmes, tuba, bouée, canoës pneumatiques, rames, seaux, pelles. Ainsi que bien sûr, un goûter conséquent, les serviettes de bain de chacun et le siège pliant pour la grand-mère qui ne pouvait plus dignement s’affaler au ras du sol. Chaque escalier du chemin où nous paradions nous livrait un voisin de plus, armé qui d’un canard bouée, qui d’une épuisette, que mère s’engageait auprès de ses parents à surveiller avec autant de soins que les siens. Toute l’expédition en ringuette devait bien faire une procession de cent mètres. L’accès à la plage était conditionné par un raidillon dégringolant par un talus impraticable et ma mère toujours invincible était allée négocier un passage plus aisé dans un pré. « Comprenez madame avec tous ces enfants, il n’y a rien d’autre à faire pour les occuper l’après-midi, et pour les vieux impossible de passer par le raidillon, nous passerons bien le long du pré, nous ne marcherons pas au milieu de l’herbe, nous n’abîmerons rien » Suppliée presque, l’autre s’était laissée amadouer et nous avions eu la permission extraordinaire de passer le long d’un pré tondu à ras par quelques malheureuses brebis !
Nous longions bien les bords, coupant quelques fois un peu les angles et nous faisant alors sévèrement rappeler à l’ordre.
Arrivés à la plage de galets, il nous restait à faire passer entre deux haies griffues tout notre attirail en faisant la chaîne. Les objets passaient de main en main, certains canoës se sont bien un peu égratignés aux ronces, justifiant la pose aléatoire de rustines qui tenaient quelques heures avant de nous abandonner au milieu du plan d’eau où nous coulions dans les plus grandes exclamations de joie. Mais l’événement attendu depuis le lever du soleil était enfin arrivé, nous étions au bord de la rivière !
L’angoisse était alors à son comble ! Car mère était intransigeante pour la protection de nos santés. Elle sortait d’une poche bien matelassée un fragile thermomètre et le plongeait dans l’eau ! Nous retenions nos souffles, la minute passait, semblant une éternité et mère levait posément l’appareil honni jusques à ses yeux. Notre baignade était conditionnée à une température de l’eau supérieure à 20 degrés ! Le verdict tombait : s’il était négatif, nous restions tout de même au bord de l’eau, jetant des cailloux, faisant des ricochets, demandant avec insistance un contrôle de l’eau à un endroit plus ensoleillé, et chutant, parfois malencontreusement, dans l’eau ce qui justifiait alors un changement de vêtements de toute urgence, grelottant à l’abri des serviettes disposées en paravents.
S’il était positif, nous passions le reste de la journée en baignades, courses, éclaboussures, hurlements, sauts périlleux et autres tarzanneries acrobatiques du haut des rochers qui ceignaient ce gour de rivière si totalement silencieux le reste de l’année. L’eau était notre élément de jeu principal pendant la durée totale des vacances d’été et si nous n’y avons pas fondu c’est que cela n’est décidément pas possible ! Les ombres du soir s’étendant au abords des roches schisteuses nous attiraient divinement dans leurs reflets mystérieux et nous passions des heures, tubas en bouches à guetter, flottant étendus immobiles à la surface de l’eau, la vie sous marine de ce petit paradis où les poissons festoyaient de nos miettes de goûter. La remontée du retour se faisait plus calmement, lénifiés que nous avions été par nos dépenses d’énergie. [Longtemps, je me suis couchée de bonne heure…*]
*On s’étonnera après que je n’ai jamais eu que le temps de lire la première phrase de « La recherche » !