Lectures d’été

Et voici que l’été se finit ! En beauté sur de grands orages, absorbés aussitôt tombés par la végétation assoiffée ! Enfin, entend-on soupirer la nature, enfin ! Ce matin le grand marché ne tenait plus qu’une demi-rue. Petit Trésor est reparti chez ses parents pour reprendre d’un pied bronzé le chemin de l’école, et je me retourne sur cet été qui a passé sans que je m’en aperçoive, incluant beaucoup de lecture. Pourquoi les lectures d’été sont-elles différentes de celles du reste de l’année ?

J’ai bien profité de « L’art presque perdu de ne rien faire » de Dany Laferrière. Entre poésie et réflexion sur l’art de vivre, ce livre est un vrai livre de chevet à déguster, épisode après anecdote, chacune avec sa profondeur nous amenant à nous retourner sur nos gestes, nos pensées, nos habitudes. Que l’on se rassure, l’art de ne rien faire n’est pas l’art de ne faire rien, si penser n’est pas faire.

Bien dégusté aussi un livre dont la chronique de l’une d’entre vous avait fait un éloge émouvant : « Zou » de Anne-Véronique

Herter, bien sûr ce livre m’a touché pour des raisons personnelles mais le style d’écriture est très particulier entre introspection et auto-dérision sur des émotions si profondes, ce livre m’a vraiment amené à plusieurs jours de réflexion, ce qui est signe chez moi que le llivre a touché une corde sensible.

Journées de lecture par ProustJ’ai paressé un peu avec ‘Journées de lectures » de Proust. Vous savez que ce n’est pas mon auteur favori, je lui reproche de nous appâter avec de petites histoires charmantes pour finir en geignardises interminables, qui n’ont même pas le courage de l’autodérision. Ce qui m’amène souvent à penser- « il y a de bons coups de pieds au C…qui se perdent », Mais ce livre étant très court n’a pas eu le temps de m’ennuyer et j’ai donc pu profiter du style inimitable de l’auteur.

J’ai beaucoup rêvé avec la vie des Elphes de Muriel Barbery, la critique est passée complètement à côté de ce livre, qui

pourtant est un vrai livre de poésie. L’auteur a un style éblouissant. Le rêve est partout présent. Je pense que c’est le sujet peut-être un peu trop onirique qui a déplu. Pour de longues soirées chaudes et rêveuses, c’est parfait !

Au fil des marchés d’été, Chéri-chéri m’est revenu avec un recueil de texte de Frédéric Mistral de 1927: » Nouvelle prose d’Almanach  » ! Comme pour me goberger d’été, je m’étais déjà immergée toute entière dans la lecture de Giono, » Un de Baumugnes »,  « Les âmes fortes », » Le serpent d’étoiles », je n’ai été pas dépaysée. J’ai ainsi appris l’évolution du costume Arlatan ! J’ai porté ce costume une fois, enfant, pour une inauguration d’un édifice local; je me souviens de la précision des gestes qui m’habillaient, je n’avais tout de même pas l’âge de porter le velours, heureusement, je n’aurais pas supporté sans doute de rester tant de tant à me faire pimplocher. J’aime ces lectures de traditions provençales, Daudet, Baptiste Bonnet, André Chamson, les cigales ronflent dur, les pins chantent et les hommes ont une conduite de pensée forte qui me relie aussi à ces traditions ancestrales.

Le Serpent d'Etoiles par GionoLe serpent d’étoile-Giono

« Il y a les grands chefs, il  y a les grands bergers. Les chefs de dix milles bêtes, de cent mille bêtes, les chefs qui ouvrent la porte, disent seulement un mot dans le noir de chaque bergerie. On a écarté les grands bois  du portail, les journaliers sont là en haie de chaque bord. Et le chef a dit le  mot, un seul pas plus, puis il tourne le dos, croche bien sa main sur le bâton et s’en va, et les moutons sortent, et les moutons marchent derrière lui ; c’est comme une ceinture qu’il aurait attachée à ses flancs et qu’il déroulerait sur le pays. Il  marche là-bas devant ; il  s’en va ; il tire les moutons ; ils prennent le pas, ils marchent. Lui, il  est déjà là-bas au fond, à avoir traversé deux ou trois villages, deux ou trois bois, deux ou trois collines. Il est comme l’aiguille et toute l’aiguillée de moutons passe où il a passé ; elle traverse les villages, les bois , les collines, derrière lui  »

Dans un style très différent, j’ai lu un livre que je ne connaissais pas de Jack London « Martin Eden », cela est à inscrire dans la suite de « Loin du paradis » de Fitzgerald, « L’arrache-coeur de Salinger, ou « portrait de l’artiste en jeune homme » de Joyce. L’auteur a nié que ce soit autobiographique mais les événements collent tant à sa vie. L’histoire est celle d’un jeune marin aventureux et presque inculte qui sauve un jour un jeune bourgeois dans un rixe et est donc admis à fréquenter la famille de celui-ci. Il tombe bien évidemment amoureux de la soeur de celui qui lui doit la vie, et s’engage dans une interminable course à la culture et à la lecture avec le but de devenir écrivain pour gagner de quoi séduire, puis assurer un train de vie décent à sa dulcinée. Extrêmement doué, mais dans une grande misère,il écrit sans cesse des nouvelles et des essais qui lui sont continuellement refusés. Il  finira par rencontrer le succès, mais je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous dévoiler la fin.

J’ai trouvé aussi au fil des bourses aux livres un amour de volume de Calendau en bilingue relié cuir ! neuf ! il tient juste dans la main pour les promenades, on peut le glisser aisément dans une poche pour aller rêvasser à l’ombre bleue d’une haie d’olivier !

Il y a une quinzaine, enfin, traînant dans les allées d’une brocante en bord de rivière sous de  grands platanes qui faisaient miroiter des jeux d’ombre et de lumière sur les étals, je trouve un marchand qui vendait probablement ses propres livres, pourquoi s’en séparait-il ? Mystère et bien sûr je n’ai pas osé poser la question, il ne marchandait pas, les prix était inscrits et je tombe sur  une édition ayant probablement beaucoup été lue mais en parfait état des oeuvres complètes de Mallarmé dans la Pleïade : 4 euros , vous pensez si j’ai sauté dessus, personne n’aurait pu me l’arracher, puis son voisin de rangée : les oeuvres de Villon illustrées par Delisle Parker, puis un Supervielle, et enfin un recueil de Swinburne, je ne savais même pas qu’il avait été traduit en Français, voyant quand même que je m’intéressais le marchand s’est approché et nous avons échangé quelques mots, il a examiné ceux que j’avais choisis, je les tenais précieusement de peur qu’un autre acheteur ne s’en empare; J’ai senti un peu de regret quand il  a feuilleté le Villon aux illustrations magnifiques: « Vous avez bon goût » m’a-t-il dit. Ne vous tracassez pas, Monsieur, vos livres sont entre de bonnes mains bien aimantes.

Voilà, j’ai fait le plein de lectures ensoleillées, et j’ai bien fait puisque je ne serai pas là cet automne, c’est maintenant certain. Cela ne m’empêchera pas de venir vous lire et vous commenter un peu lorsque je le pourrai. Il  me reste une semaine pour tout préparer…comme d’habitude, je ferai tout le dernier jour ! Car nonobstant (Ce que j’aime ce mot !)  ma (modeste, huhu) victoire au mois de juillet chez jobougon, je compte bien entre temps avoir le temps de vous concocter quelque chose pour le concours de l’agenda ironique du mois de septembre qui sera donc organisé ce mois-ci par Anne de Louvain la Neuve. Vous pouvez aller jeter un coup d’oeil, rigoler, et participer bien sûr !

Bises à tous et toutes.