Cher lecteur assidu !
Crois-moi sur parole l’herbe d’or n’est pas qu’une légende, certes il faut la trouver pieds nus et la cueillir, ensuite il y a encore certaines conditions à remplir…
C’est la nuit. Le décor représente une pièce à vivre à l’ancienne avec sur la droite une grande cheminée où brûle un bon feu de bois. Au fond de la pièce est exposée de la belle vaisselle dans un vaisselier rutilant dans l’ombre, à côté d’une porte dotée d’une grosse serrure. Au milieu de la pièce, une table recouverte d’une nappe rouge sur laquelle est recroquevillée une chatte dodue. A gauche une fenêtre fermée de rideaux, à travers lesquels passent quelques rayons de lune. Par terre devant le feu, un vieux chien dort allongé de tout son long sur un tapis rembourré recouvert de flanelle à carreaux écossais rouge et vert.
-Dis
–
-Dis, tu dors ?
-Grebleblele
-Diiiiiis, tu dooooooooooors ?
-Oui ! Je dormais, il n’y a pas si longtemps, je rêvais même je crois.
-Pousse-toi un peu, fais-moi une place.
-Cela ne se fait pas !
-Allez, personne n’en saura rien.
-Je te dis que cela ne se fait pas.
-Mais j’ai froid !
-Pas moi.
-Bien sûr ! Ton tapis est juste devant la cheminée.
-C’est à cause de mes rhumatismes.
-Comme si je n’en avais pas moi ! J’ai le même âge que toi.
-Oh oui, je sais, j’ai six mois de moins que toi et quand on m’a trouvé, j’étais à peine plus gros que toi et que c’est toi qui m’a élevé en me foutant des baffes si je montrais trop d’exubérance, et patati et patata, ça fait cent fois que je l’entends cette histoire.
-Griffes rentrées les baffes quand même, alleeeez ! Pousse-toi un peu.
-Pffffffffff quelle famille !
Le chien se met en boule et libère la moitié du tapis. La chatte s’étire et saute de la table sur une chaise, d’une chaise par terre et se dirige vers la moitié de tapis laissée libre, où elle tourne un moment sur place avant de se coucher lentement en repliant ses pattes sous elle.
-Aaaaaaaaaaaaah, merci ! ronronronronr.
-Et ne grogne pas s’il te plaît !
-Je ne grogne pas, je ronronne, nuance ! ronronronr.
-Mais qu’est-ce que j’ai fait à Noé, moi ? Tu vas me foutre la paix, dis, j’ai des rhumatismes, pas des insomnies.
-Tu n’as qu’à dormir sur tes deux oreilles.
Le chien ouvre un oeil surpris. Il penche la tête d’un côté, puis de l’autre…
Un trottinement hésitant à peine perceptible se fait entendre venant du fond, et traverse discrètement la pièce avant de disparaître.
-Une souris !
-Où ça ?
-Tu n’as rien entendu ?
-Mais si, mais si mais si tu crois que je vais courir après les souris à cette heure-là ! Quelle heure est-il ?
-22H44
-Tu es sûr que c’était une souris ?
-Qu’est-ce que ça aurait pu être d’autre ?
-Je ne sais pas moi, un mulot, une musaraigne, une aragne…
-En tout cas elle avait quatre pattes.
-Comment le sais-tu ? Tu n’as rien pu voir, il fait nuit.
Le chien tape de la queue, tic, tac, tic, tac.
La chatte sursaute
–Qu’est ce que tu fais ?
-Tu entends, ce rythme : c’est quatre pattes !
-Tu m’as fais peur, j’ai cru que tu étais en colère. Moi, je fais ça quand je suis en colère.
-Tu bas le rythme ?
-Non, je remue la queue. Et les aragnes ?
Le chien tape de la queue tic tac tac tic tac tac
-C’est comme ça !
-C’est plus dansant.
La chatte s’étale un peu sur le tapis, le chien se décale sur le côté et pose la tête sur ses pattes, prêt à se rendormir.
-Tu crois qu’on va redéménager ?
-Qu’est ce qui te fait dire ça ?
-Tu as vu ce chambard lundi ?
-Ils ont fait la poussière, j’en sais quelque chose j’ai éternué toute la journée.
-La poussière et les poils…
-Oh, ça va, je sais, je perds mes poils, la mue ça s’appelle madame !
-C’est parce que tu dors devant le feu !
-Tu dis ça parce que tu es jalouse, tu voudrais toute la place, et bien non, c’est mon tapis. Tu crois pour le déménagement ? Moi je crois qu’ils ont juste fait le ménage.
-Un ménage où les meubles changent de place ?
-C’est vrai que maintenant, je suis obligé de faire le tour pour aller à ma gamelle. Ils ont simplement fait comme chaque année, ils ont installé un arbre mal commode qui pique tellement que je ne peux même pas pisser au pied.Mais on ne pourrait pas dormir maintenant ?
-Une minute !
-Quoi ! Une minute ?
Un trottinement hésitant à peine perceptible se fait entendre venant du fond, et traverse discrètement la pièce avant de disparaître.
-Quelle heure est-il ?
-22H45 ! Voilà, tu peux dormir maintenant ?
-Si on déménageait, ça serait bien s’il y avait un jardin !
-Et un endroit pour cacher mes os !
-Et un arbre où guetter les oiseaux !
-Oui, et la dernière fois où on a déménagé tu as passé trois jours dans un placard, terrorisée.
-Et toi, tu t’es battu avec tous les roquets du quartier, qui ont eu le dessus, je précise !
-Et la fois où tu es sortie par la fenêtre tu as failli te faire écraser par un train.
-Et la dernière fois que tu as réussi à filer par la porte ta fugue a duré moins d’un quart d’heure, penaud, la queue entre les jambes, retour au bercail, maman j’ai peur !
-Et la petite rousse des voisines qui te nargue de la fenêtre d’en haut !
-Oh, celle-là je l’aurais de toute façon, elle finira bien par sauter en bas, et là, pchac !
-Héhé, pchac ? Tu voudras un coup de main ?
-J’entends quelque chose.
-Encore ? Des acouphènes ?
-Un bruit dans l’escalier.
-A cette heure-ci, tu es folle !
-C’est peut-être toi tu deviens sourd.
– Il ne faudrait pas qu’elle nous voit.
-Tais-toi.
Le chien se lève et va guetter à la porte, rien n’arrive. Il attend un moment puis revient vers le tapis, où la chatte s’est étalée en travers du tapis.
-Et là ! Ne te gêne pas surtout !
Bien embêté il fait le tour du tapis en essayant de se coucher sur un coin. La chatte, les yeux fermés :
-ronronronronr.
La chatte ouvre un œil
-Quelle heure est-il ?
-22H47, c’est une obsession chez toi ?
Un trottinement hésitant à peine perceptible se fait entendre venant du fond, et traverse discrètement la pièce avant de disparaître. La chatte bondit et l’attrape. Elle revient, la queue qui gigote encore entre les dents
-Ah, ça je savais bien que tu ne dormais pas. Tu es dégoûtante, crache-moi ça ! Pourquoi as-tu sauté sur cette souris plutôt que sur les autres ?
-J’ai eu peur que ça devienne contagieux !
La chatte se recouche sur une moitié du tapis, le chien s’affale un peu contre elle.
-Quand même on n’est pas bien là ?
-Mais ça ne se fait pas.
-En tout cas j’ai chaud.
-J’entends quelque chose !
-Ah, ça on ne me la fait pas deux fois !
Et la porte s’ouvre.
Et j’apparais.
Car, tu sais cher lecteur, l’herbe d’or après l’avoir cueilli, il faut la faire macérer dans un bon alcool vieilli, et les nuits d’insomnie, aller en boire quelques gouttes sur un sucre. A ce moment-là, dans la nuit, tu auras des chances de percevoir les choses que tu ne percevais pas, autrement. Ce jour-là, venant de finir Rhinocéros de Ionesco, j’étais descendue pieds nus dans l’escalier froid, je n’en ai pas cru mes oreilles.
Mais bon ! Peut-être que j’avais forcé la dose !
***
(merci à Monsieur Ionesco de sa participation tout à fait involontaire )
***
[…] Louvain la Neuve, Jobougon, Jacou33 ici et là et là aussi , Unepattedansl’encrier ici et là , Monesille, Un esprit sain dans un corsage , Valentyne ici et là et là aussi , EcriTurbulente , Mariejo 64 ici […]
[…] de Louvain la Neuve Jobougon Jacou33 ici et là et là aussi Unepattedansl’encrier ici et là Monesille Un esprit sain dans un corsage Valentyne ici et là et là aussi EcriTurbulente Mariejo 64 ici et […]
Tu as le don d’entendre les animaux parler toi-aussi? n’abuse pas trop d’herbe!
Jamais d’herbe 🙂 sauf dans l’afternoon tea bien sûr ! Bises
Ha bé voilà, je viens de le trouver parmi ta folie de publications agendiennes-décembriennes (heureusement que tu n’es pas souvent en vacances !!! :lol:) ! Il est chou ton texte, on voit que tu as bien observé chien et chat dans une maison endormie ! Mais le coup du canard à la fin pour aller se rendormir je ne l’attendais pas !!! 😀 Toi aussi tu es sortie des tes sentiers poétiques mais la poésie est là dans l’ambiance créé par cette maison où il semble doux de paresser devant un feu… L’herbe d’or à macérer…je la retiens !!! Je comprends que la camomille ne fasse pas le poids ! Bises ! 😆
je me suis aussi rendu compte que dans mon euphorie j’avais annoncé deux fois ta participation ! hé ! tu vois que ça m’a vraiment touchée !
Chien et chat sont vraiment là, je les observe, je les écoute, si tu savais ce qu’ils peuvent nous casser de sucre sur le dos !
Bises
C’est une histoire délicieuse, dit-elle, dégustant son thé à petites gorgées, petit doigt en l’air.
Je confirme, histoire délicieuse. 🙂
quand je pense que je n’ai mouillé que mes pantoufles et que la magie de l’herbe dorée a opéré quand me^me , je suis fière ! La terre béarnaise doit être propice à la culture de cette herbe un peu folle qui nous fait prendre nos rêves pour des réalités. Je redescendrai dans mon jardin demain pour m’en faire une infusion. Après le rosé d’aujourd’hui, il ne saurait être question d’une quelconque macération alcoolique ! 😀 Et enlève cette souris de la gueule de cette chatte ! beurk !
Mais j’avais pas vu, j’avais pas lu… et ça fait une semaine que je laisse le chien et la chatte discu-tailler une petite souris, et se dispu-tailler un malheureux bout de tapis. Une semaine que j’aurais déjà du venir leur faire un petit gratouillis sous le menton et leur offrir une petite croquette trempée dans l’élixir d’herbe d’or…
Tu vois que c’est bien de faire des récap 😉
Mais c’était prévu, seule l’administration m’en a empêchée ! L’an prochain, je ferai un agenda ironique sur les emmm…dements administratifs, foi de monesille !
Mais pourtant j’ai publié un article par participation quasiment ?? WordPress aurait-il encore fait des siennes ^^
Non non ! C’est pas WP, c’est très probablement moi qui ai raté l’info 😦
Tu es toute pardonnée, il y a tellement de choses qui se passent en ce moment qu’il est difficile de tout suivre ! Bises
[…] Chien et chat chez monesille […]
La contagion, c’est une monesillite aiguë ou chronique ?
Scène de velours pilou sur jeté d’âtre.
Un vrai régal, et je ne parle pas que de la souris !
😀 😀
ah, je vois que tes commentaires réapparaissent normalement, je ne sais pas ce qui s’est passé, j’irai vérifier plus souvent. Pour la contagion, c’est comme tout avec le temps tout passe.
Bises
Un récit tout doux comme le temps de Noël pour se pourlécher les babines.
Ne pas trop grignoter entre les repas tout de même !
Splendide ! Comme Myo, j’ai eu cette impression d’une histoire qui aurait marinée longtemps dans une vieille malle…
sinon, piégé, j’avoue que j’ai cru voir (un peu vite) arriver le Père Noël 😦
ps : heureusement que c’est pas un concours, ce jeu… il y a aurait déjà plusieurs premiers-ex-aequo, avant même que j’ai la moindre idée de ce que je vais raconter
ntntn, le père Noël passe à minuit pas à 22H47 . Je suis bien sûre que tu as déjà une bonne idée de ce que tu vas raconter et que tu nous fais lanterner pour faire monter le suspens ! En tout cas j’espère que la poussière ne te fais pas éternuer !-)
je sais bien qu’il ne passe pas à 22 h 47 ! Mais ça laissait encore 73 mn de suspens…
à propos de suspense, non, pas de lanternage organisé, je n’ai que des mini bribes d’idées. Patience, ça va venir (j’espère bien).
généreux Carnet qui distribue des idées qu’il n’a pas :D:D
mais oui, tout à fait !
J’aime imaginer ce que nul ne pourrait voir si…
J’ai lu comme si je lisais une histoire sortie d’une veille malle cachée au fond du grenier…!
Imagine…mais ne laisse pas trop la poussière s’accumuler dans la malle 😆 Ravie que cela t’ai plu !
Bises
Sauf si c’est de la poussière magique…;)
Ah, ça des réserves de poussières magiques ! Je prends 😉
Je partage… avec plaisir 😉
Ouahou, de la poussière d’étoile !