Du fond de mes jeudis au temps de mon enfance

Me revient  ce parfum à l’amer si sucré

Chaud, dessous les câlins à l’obscure insistance

Dans les bras de l’amour et les tricots feutrés.

 

Il fallait cuire alors dans de longues minutes

Cette poudre légère au souffle suspendu

Qui allait tournoyer en crémeuses volutes

Que nos yeux poursuivaient jusqu’aux lèvres tendues

 

Versé dans un grand bol au décor de Bretagne

L’arôme s’exaltait dans la cuisine en bleu

Où l’on faisait griller du pain frais de campagne

Sur les cercles brillant du Mirus chaleureux.

 

Je craignais la brûlure en déposant ma langue

Sur la mousse onctueuse qui débordait un peu

Et je soufflais bien fort en de petites vagues,

Sous les carreaux brumeux qui camouflaient ses yeux.

 

Qu’avaient donc ces goûters pour me nourrir encore

Aujourd’hui des odeurs et des chaleurs d’antan

Le lait était plus frais ou plus chaud le folklore ?

 

Les cœurs étaient présents et  l’on prenait le temps.

 

 

 

Chaud, le chocolat.

Le blues de l’emmerdeuse

Le blues de l’emmerdeuse

 

 

Vous savez j’en ai un peu marre

Je crois que je tourne à la tare

Je tourne en rond au point du jour

Jusqu’à ce que ça tourne court.

 

Sachez que si je fais du bruit

C’est d’abord à moi que ça nuit

Je parcours le même parcours

Le mur du son aller-retour

 

Je fais presque fuir le printemps

Le vers y pousse trop aisément

La graminée en folle avoine

Narguerait la haie de platane

 

Mais tout ça n’est pas fait exprès

Si j’arrête ça tourne au pré

Alors j’en deviens malheureuse

Allez hop un coup de tondeuse.

 

J’angoisse à voir la pâquerette

Blanche dessus le vert velvet

Tâche sur velours de verdure

Le contraste tourne à l’ordure

 

Quand par malheur la taupinière

De l’arrosage l’héritière

Enfle au milieu de la pelouse

On croirait bien voir une bouse

 

C’est difficile d’expliquer

La rondeur de mon pré carré

Et le calcul n’est pas banal

La longueur du brin idéal

 

Et si j’empêche les voisins

De dormir tard tous les matins

Je crois que les après midi

Pour les siestes c’est mal parti.

 

Alors je vire à l’obsession

Mon moteur comme un trublion

Ronronne en rond dans le quartier

C’est comme ça qu’on me connait.

 

On me surnomme l’emmerdeuse

Mais je ne suis qu’une tondeuse

C’est malheureux d’être jugée

On fait ce pour quoi on est fait

 

Et vous savez que j’en ai marre

Je crois que je tourne à la tare

Si vous voulez me voir heureuse

Mariez-moi à la tronçonneuse !

 

 

 

 

 

Au cagnard

C’est un petit cagnard entre deux pans de roches

Bien abrité du vent au soleil du midi

Même pendant l’hiver le printemps semble proche

Décembre y passe tiède et janvier y fleurit.

J’aime aller y rêver. La nature est secrète

Elle s’entrouvre à moi. Quelques genêts parés

Font de ce petit nid une alcôve discrète

Encadrant la vallée étendue à mes pieds.

Le gel n’y survient pas, sous le mimosa tendre

Eclot tôt en saison de flocons parfumés

Un vieux mur éboulé sait se faire comprendre

En tendant son aplomb à mon dos fatigué.

Pourquoi, vus de si haut, les creux qu’habitent l’homme

Paraissent si tranquilles et si hospitaliers

Les sons sont clairsemés dans l’air azuré comme

Les agneaux et  brebis éparpillés aux prés.

Sinuant en douceur son ruban gris, la route

Estompe par moment la soie de ses lacets

Dans l’ombre d’un vieux pont qui le soir se veloute

D’un peu de bleu nacré, couvert d’un voile frais.

A l’abri dans le chaud ramassé de la pierre

Je tarde encore un peu, le spectacle est si doux

De ce tableau vieilli que dore la lumière

Rasante du soleil sur le brillant du houx.

Un frisson me saisit, est-ce encore la vie

Ce paisible pays où le temps suspendu

A l’écart du fracas offre à ma vue ravie

Le goût d’un paradis au plaisir défendu.

Dans ce temps ralenti, suis-je encore dans le monde

Sur  l’extrême limite à ce qui est permis

Figé loin de ce bruit de l’infernale ronde

Je crois que rêvais ! Me serais-je endormi ?

Ils sont là !

Chaque rocher frémit du bruit de leur cohorte

Chaque arbre abasourdi tombe ses branches mortes

Pour allumer leur feu escarbillant la nuit

Et qui bien trop souvent finit en incendie

 

Chaque virage éructe des chevaux en cavales

Qui rugissent bien haut de leurs arrogants râles

Chaque route est hantée de motos en furie

Dérapant au gravier en de vrombissantes nuits.

 

Chaque champ hérissé des verrues de leurs tentes

Guette de leur piquet la pointe résurgente

Où trébuchant le soir au cordage étendu

S’embronchent dans le noir, -« Et merde, on n’y voit plus »

 

Leur lampe acétylène à l’odeur de pétrole

Attire des moustiques la zélée farandole

Friande de leur chair qu’un soleil compatissant

A attendri le jour d’un rouge saisissant.

 

Chaque nuit si limpide au chant de mes cigales

Est brisée de fatigue d’hurlantes Bacchanales

Braillant dans le silence angoissé leur folie

Meublant de décibel  leurs oreilles en survie.

 

Chaque été c’est pareil l’espace rétrécit

Et se comble de fous et s’étrangle de cris

Il reste quelques jours à attendre l’automne

A la fin du mois d’Août il n’y aura plus personne.

 

Resteront quelques  sous et quelques sacs poubelles !

Réfugiés dans un coin et secouant leurs ailes

Emus, les deux hiboux qui blanchiront ici

Raconteront tremblant que –« Ca, c’était la vie ! ».

 

 

 

 

 

 

Dans les rues de ces villes

 

Dans les rues de ces villes

 

 

Dans les rues de ces villes où nous roulions amis

Dans nos automobiles, sono à fond la nuit

Le fracas des impasses résonnait aux pavés

D’inutiles décombres de nos vies en danger.

 

Dans les rues de ces villes aux sombres réverbères

Aux carrefours tranquilles de ces quartiers déserts

D’où jaillissait parfois un chat gris hérissé

Poursuivi par des chiens aux yeux exorbités.

 

Dans les rues de ces villes aux trottoirs en béton

Sous des porches éteints que battaient nos talons

La façade morose à l’orée des citées

Des défis imbéciles de nos rêves fêlés.

 

Dans les rues de ces villes où nous jetions des cris

Pour voir se rallumer une fenêtre amie

Le vent nous répondait en frissonnantes plaintes

Et toutes les vitrines gardaient leurs fleurs éteintes.

 

Dans les rues de ces villes bravant les caméras

Où se multipliaient les tags de l’omerta

Traînent les vieux fantômes de mômes déjantés

Ne sachant où greffer leurs  jours déracinés.

 

Dans les rues de ces villes s’éloignent lentement

La folle adolescence aux souvenirs gênants

Ces énergies flambées dans des banlieues bornées

Et l’on y survivait, si on en évadait

 

Dans les rues de ces villes où glissent doucement

Le long d’un mur lépreux ma main s’égratignant

Résonne le chariot où se sont entassés

Mes quelques oripeaux quand j’ai voulu rester.

 

Mes quelques oripeaux quand j’ai voulu rester

monesille

 

 

 

C’était mieux, avant !

C’était mieux avant !

 

A ton âge petit, moi j’étais plein de clous

Je m’habillais en noir, j’allais à Katmandou

Et je fumais du shit sur les quais d’Amsterdam

J’avais eu plein de filles, oui, je plaisais aux dames

 

A ton âge, petit, je bossais comme un fou

Et j’étais autonome et j’en fichais un coup

Ta mère a été ma seule et mon unique

En mariée en blanc elle était idyllique

 

A ton âge, petit, j’avais de bonnes notes

J’étais premier partout, surtout j’avais la côte

Dans les boums, les partys, fallait pas me chercher

C’était toujours au pieu qu’il fallait me chercher.

 

A ton âge, petit, j’étais un Dieu du stade

Et j’ai manqué de peu la ixième  olympiade

Je courais, je dribblais, je faisais des abdos

Oui, j’étais comme ça quand j’étais un ado !

 

Mais papa, oui, dis-moi, pourquoi t’es divorcé

Pourquoi t’es au chômage et pourquoi t’es fauché,

Pourquoi t’es gras du bide et pourquoi tu rougis

 

-A ton âge, petit, au moins j’étais poli !!!